Pendant longtemps, l’amour était présenté comme une affaire de hasard, d’instinct, de regards croisés dans un café ou d’un numéro griffonné sur un bout de papier. Aujourd’hui, le premier contact passe par un écran, et le rôle du destin a été remplacé par des lignes de code. Les applications de rencontre ne se contentent plus de mettre des profils côte à côte : elles calculent, filtrent, optimisent et réorganisent les possibilités. Elles sont devenues des machines à trier le désir humain.
Que l’on trouve cette idée fascinante ou inquiétante, une chose est sûre : en 2025, la plupart des célibataires ne rencontrent plus quelqu’un par hasard, mais parce qu’un algorithme l’a décidé.
Comment les algorithmes décident pour nous
Beaucoup d’utilisateurs pensent qu’ils choisissent les profils qu’ils voient, alors qu’en réalité c’est l’application qui les sélectionne en amont. Elle analyse notre comportement : combien de temps on regarde une photo, qui on swipe, à quel moment on devient moins exigeant, quel type de phrase nous pousse à répondre. Les algorithmes n’écoutent pas ce que nous disons vouloir, ils observent ce que nous faisons. Et leurs décisions ont un impact direct sur notre vie amoureuse.
Même sur des plateformes plus ciblées, comme un site de rencontre voisins solitaires, l’algorithme reste le moteur invisible qui décide de qui apparaît à l’écran et à quel moment. Il ne s’agit pas d’un cupidon digital, mais d’un système d’optimisation dont l’objectif n’est pas de nous rendre heureux, mais de nous garder actifs.
Ce qui est fascinant et parfois frustrant, c’est que nous ne pouvons pas voir ce code. Nous ne voyons que ses conséquences : certains profils reviennent régulièrement, d’autres disparaissent, et il devient parfois impossible de savoir si une personne a vraiment décliné ou si l’application ne nous l’a tout simplement jamais montrée.
Le parallèle avec le matchmaking dans les jeux vidéo
Pour comprendre ces algorithmes, il suffit de regarder ce qu’on fait depuis des années dans les jeux multijoueurs. Le matchmaking cherche à équilibrer une équipe, éviter les déséquilibres flagrants et maintenir l’engagement. Le principe est exactement le même dans les rencontres en ligne. On ne veut pas que le joueur ragequit, et on ne veut pas que l’utilisateur supprime l’app.
Dans un jeu, vous n’êtes pas placé contre un joueur au hasard, mais contre quelqu’un dont le niveau vous correspond… plus ou moins. Dans le dating, vous n’êtes jamais exposé à tous les profils disponibles seulement à ceux que l’algorithme considère comme “compatibles” d’après votre historique.
C’est une forme d’Elo sentimental. Si vous avez tendance à swipe des profils très attractifs sans qu’ils matchent en retour, l’application va progressivement vous proposer des profils plus accessibles. De la même façon qu’un jeu adapte la difficulté, une app adapte vos opportunités. Pas pour vous punir, mais pour éviter que vous abandonniez.
Quand l’algorithme se trompe
Le problème, c’est que ces modèles apprennent à partir de nos comportements, même quand ils ne représentent pas ce que nous voulons vraiment. Si vous swipe des profils “juste pour voir”, l’app peut conclure que c’est justement ce type de personne que vous recherchez, même si vous n’iriez jamais à un rendez-vous avec eux.
Les algorithmes ne comprennent pas les nuances humaines. Ils ne savent pas faire la différence entre désir, curiosité et ennui. Ils ne savent pas si vous scrolliez par réflexe ou par intérêt. Ils reproduisent simplement vos gestes.
Cela crée un phénomène de chambre d’écho : plus vous utilisez l’app d’une certaine manière, plus elle vous enferme dans une version simplifiée de vous-même. C’est comme demander à Netflix de vous surprendre alors que vous lui donnez uniquement des signaux pour comédies romantiques et documentaires sur la NASA.
Peut-on hacker le système ?
Pour une fois, hacker ne signifie pas tricher mais orienter intelligemment les données que vous fournissez.
Le premier levier est simple : éviter les comportements impulsifs. Si vous baladez votre pouce de façon mécanique, vous entraînez l’algorithme à vous nourrir de profils génériques. Plus votre comportement est incohérent, plus il devient difficile pour l’application de vous proposer quelque chose qui vous ressemble.
Second levier : l’activité. La plupart des algorithmes favorisent les profils actifs. Si vous vous connectez rarement, vos matches seront moins visibles et vous apparaîtrez moins dans les suggestions des autres. Logique d’engagement oblige.
Troisième point : les photos et les textes. Non pas dans un sens esthétique, mais structurel. Un profil complet est plus facile à catégoriser et donc à montrer. Une description claire aide l’algorithme, mais aide aussi la personne qui vous lit. Les profils flous, vagues ou “mystérieux” ne sont pas attractifs, ils sont invisibles.
Enfin, il est utile de comprendre que l’algorithme travaille pour l’application, pas pour vous. Le but n’est pas de trouver l’amour, mais de créer du mouvement. Si vous ne choisissez pas activement ce que vous cherchez, il vous donnera du divertissement… pas une rencontre.
Ce que les algorithmes ne peuvent pas contrôler
Ils peuvent analyser les statistiques, mesurer l’interaction, calculer les chances de compatibilité… mais ils ne peuvent ni prédire la connexion réelle, ni simuler la spontanéité humaine. L’amour n’est pas une fonction de tri.
Les meilleurs résultats viennent des personnes qui ne délèguent pas tout au système. L’algorithme ouvre la porte, mais c’est l’humour, la culture, le timing et les mille détails non mesurables qui créent la suite. Et heureusement. Car si une équation pouvait résoudre l’amour, ce serait la fin de la magie.
Conclusion
Les rencontres en ligne ne sont pas un hasard, mais elles ne sont pas non plus une simulation entièrement contrôlée. Elles sont un dialogue permanent entre notre comportement et les choix invisibles d’un programme.
Comprendre le fonctionnement de ces algorithmes n’est pas essentiel pour trouver l’amour mais cela peut nous empêcher de tomber dans les illusions les plus courantes : croire qu’on n’intéresse personne alors qu’on n’a juste pas été montré, croire que l’app “choisit mal” alors qu’on lui a donné de mauvais signaux, croire que tout est simple alors que tout est statistique.
La technologie ne remplacera jamais le lien humain, mais elle en redessine les règles. À nous d’apprendre à jouer avec le système sans oublier ce que nous cherchons vraiment.

